Calendrier de l'avent du domaine public - 2014/2015

Qui s’élèvera dans le domaine public en 2019 ?
Chaque jour de décembre, découvrons le nom d’un auteur dont les œuvres entreront dans le domaine public le 1er janvier 2019.

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Vincent d’Indy

  • lundi 28 décembre 2015
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  • Dans le DP en

Les aléas de la législation française sur le droit d’auteur réunissent dans un même calendrier deux ennemis jurés de la musique française : Vincent d’Indy et Maurice Ravel. Tout en célébrant l’entrée du Boléro dans le domaine public, la notice du 1er décembre évoquait certaines escarmouches de ce duel mémorable. Tandis que d’Indy dénonce les fondations branlantes de cette esthétique moderniste, Ravel réplique qu’« il y a des règles pour faire tenir debout un bâtiment, aucune pour enchaîner les modulations. ».

La vie d’Indy pourrait être sous-titrée : de l’influence des identités politiques sur la musique. Né dans un milieu aristocrate, ce comte ardéchois est resté indéfectiblement affilié à une droite légitimiste alors en pleine recomposition. Confronté à l’établissement durable d’un régime démocratique en France, il s’attache à revivifier les institutions traditionnelles dans le champ musical.

En 1893, l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII entraîne le ralliement des catholiques à la République. D’Indy n’accepte pas cette évolution. Moins d’un an plus tard, il co-fonde la Schola Cantorum, qui portait initialement l’intitulé plus explicite de Société de propagande pour la divulgation des chefs-d’œuvre religieux. Connaissant une expansion rapide, la Schola crée tout un réseau de succursales à l’échelle européenne. Parallèlement, d’Indy est élu président de la Société Nationale de Musique. Ces hautes fonctions traduisent une influence considérable jusqu’à la Première Guerre Mondiale : à défaut de fragiliser la République, d’Indy parvient à formater le milieu musical en accord avec ses conceptions politiques. Faute d’avoir droit de cité, les "modernistes" sont contraints de créer leurs propres institutions, telles que la Société Musicale Indépendante, établie par… Ravel en 1910.

Cette cohérence idéologique dissimule un parcours esthétique complexe. Certaines œuvres d’Indy ont un caractère purement circonstanciel. Écrite en 1915, la Légende de Saint-Christophe maquille sous la forme d’un drame sacré les obsessions antisémites et anti-modernes d’Indy. Il s’attaque notamment aux "faux artistes" qui, dans le livret, s’exclament :

Que tout soit abaissé à notre taille. Haine à l’enthousiasme ! Haine à l’art idéal ! Plus de règles, plus d’études.

Le traditionaliste aristocrate a aussi incarné une avant-garde. Il contribue à l’introduction de Richard Wagner en France : son opéra Fervaal constitue une tentative emblématique de wagnérisme à la française, acclimatant les axes narratifs de la Tétralogie dans une Gaule idéalisée et anachronique : un chef celte au nom germanisé succombe aux avances d’une magicienne sarrasine. Rédigé par un compositeur réputé moins sérieux, l’œuvre serait sans doute appréciée pour son caractère proto-dadaïste — et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si d’Indy compte parmi ses élèves un certain Erik Satie…

D’Indy tente au mieux de concilier ces inspirations diversifiées avec la stricte d’orthodoxie catholique. Il défend la thèse d’une conversion finale de Wagner à la philosophie chrétienne, par-delà ses éléments syncrétiques païens ou bouddhistes :

à mesure que le poète travaillait de plus en plus s’accentuait la différence capitale entre Ananda, héros de conception bouddhique, et le héros chrétien dont la haute figure en arriva à se substituer entièrement à l’ascète oriental (Instructions à l’étude de Parsifal).

L’héritage politique d’Indy est rapidement liquidé. À sa mort en 1931, il désigne ses successeurs à la tête de la Schola Cantorum. Le conseil d’administration les rejette — et s’émancipe ainsi d’une image réactionnaire de moins en moins tenable.

Reste la musique. Une grande partie de l’œuvre d’Indy est actuellement disponible sur IMSLP — y compris plusieurs titres méconnus s’inscrivant dans une veine "fantaisiste" à la Satie. L’entrée dans le domaine public forme l’occasion idéale de les exhumer…


Article Wikipédia : Article de Wikipédia


Domaine public

Une petite partie de l’œuvre de Vincent d’Indy se trouvait déjà dans le domaine public. En raison du maintien des prorogations de guerre pour les compositeurs, les publications postérieures au 1er janvier 1921 ont été libérées des droits patrimoniaux en avril 2008 — soit, pour l’essentiel des pièces tardives et peu connues. L’ensemble de l’œuvre d’Indy accède au domaine public le 30 septembre 2015 — au terme d’une protection de 84 ans et 130 jours. Au total, le premier opus d’Indy, les Romances sans paroles ont été protégées pendant… 145 ans !


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