Calendrier de l'avent du domaine public - 2014/2015

Qui s’élèvera dans le domaine public en 2019 ?
Chaque jour de décembre, découvrons le nom d’un auteur dont les œuvres entreront dans le domaine public le 1er janvier 2019.

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Robert Mallet-Stevens

  • dimanche 27 décembre 2015
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  • Dans le DP en

Si aujourd’hui le nom de Robert Mallet-Stevens est peu connu du grand public, il fut dans les années 20 l’une des figures les plus prometteuses de l’architecture moderne française. Son décès précoce, en 1945, et la prééminence de Le Corbusier sur la scène internationale contribuèrent à faire oublier son oeuvre pourtant essentielle dans la marche de l’architecture française : ce n’est que récemment que le nom de Mallet-Stevens a retrouvé la place qui devait être la sienne dans nos livres d’histoire.

Sa carrière commence en 1907 : il est alors élève à l’École spéciale d’Architecture de Paris où, très vite, il se distingue par la modernité de ses partis-pris. Il faut dire qu’il a grandi dans un milieu ouvert aux goûts avant-gardistes : son oncle par alliance n’est autre que Adolphe Stoclet, le commanditaire du Palais Stoclet, à Bruxelles, oeuvre de Josef Hoffmann et véritable manifeste du concept d’art total prôné par les partisans de la Sécession Viennoise.

Mais si les goûts du jeune Mallet-Stevens sont modernistes, cela s’exprime d’abord dans ses travaux théoriques : avant même de construire, le jeune architecte prend la plume et signe des articles dans de nombreuses revues où il défend l’architecture contemporaine d’Auguste Perret ou de Frank Llyod Wright. Toute sa vie, Robert Mallet-Stevens poursuivra une importante oeuvre théorique : il est l’un des fondateurs de l’Union des Artistes modernes et de la revue L’architecture d’aujourd’hui.

Mais Robert Mallet-Stevens ne construit pas tout de suite : c’est d’abord dans l’aménagement qu’il s’illustre, créant des vitrines de magasins parisiens. On lui doit également des décors de cinéma comme ceux des célèbres films de Marcel L’Herbier, L’Inhumaine et Le Vertige. Loin d’être de simples gagne-pain par défaut, ces expériences participent de la vision de Mallet-Stevens, pour qui l’architecture, le décor et l’ameublement ne peuvent qu’être intimement liés. À l’occasion de ces chantiers, il travaille en collaboration avec des corps de métiers très divers dont l’influence sera décisive sur la suite de ses créations.

L’année 1925 marque un tournant dans sa carrière. Trois ans plus tôt, le couturier Paul Poiret lui a commandé une villa, qui est restée inachevée, faute de financement. Il s’est également attelé à la construction d’une villa pour le Comte de Noailles à Hyères, qui sera achevée en 1928 et projette les plans d’un lotissement dans le XVIe arrondissement de Paris, qui portera dès l’origine son nom, la rue Mallet-Stevens.

En 1925, donc, Mallet-Stevens voit son carnet de commandes se remplir : l’exposition internationale des Arts décoratifs va lui donner l’occasion de faire plus encore connaître son nom. Il réalise le pavillon du Tourisme, aux lignes très graphiques et surtout un square par qui vient le scandale car planté d’arbres … en béton ! Avec les frères Martel, il a transposé les formes du cubisme dans ces arbres sculptures qui heurtent le goût bourgeois.

C’est probablement en 1925 que s’opère une rencontre qui sera pour Robert Mallet-Stevens décisive : celle de Paul Cavrois, riche industriel, qui lui commande une villa à Croix, près de Roubaix. Cette villa, conçue comme un véritable château moderne, est le chef d’oeuvre de l’architecte, qui y met en pratique toutes ses théories, dessinant lui-même tout, des plans de l’habitation jusqu’au moindre détail du mobilier. La silhouette de la villa est singulière : elle se dresse dans le paysage tout de parement de briques jaunes revêtues. Ses rambardes blanches, qui bordent les nombreuses terrasses, lui confèrent une allure de navire transatlantique, tandis que ses larges baies vitrées ouvrent largement les espaces d’habitation sur le parc verdoyant. Les pièces sont meublées avec soin, sans surcharge ornementale : les lignes sont épurées mais les matériaux luxueux. La demeure reçoit tout le confort moderne : chauffage central, piscine chauffée, immenses salles d’eau, ascenseur, TSF… Bien que ses formes choquent encore une fois le goût bourgeois traditionnel, la villa est le manifeste de l’architecte, qui lui consacre une publication au titre parlant : « Une demeure en 1934 ».

Ce coup de maître restera sans suite : la crise de 1929 met à mal la clientèle aisée susceptible de passer commande à Robert Mallet-Stevens, qui, contrairement à Le Corbusier, ne parviendra pas à diversifier sa production vers les grands ensembles ou les équipements urbains, bien qu’il ait dessiné plusieurs projets.

Robert Mallet-Stevens s’éteint à la fin de la guerre : à sa demande, ses archives sont brulées, nous privant d’une précieuse source pour comprendre sa pensée, pourtant si importante dans l’élaboration de l’architecture moderne.

Soixante-dix ans après sa mort, que reste-t-il de Robert Mallet-Stevens ? Ses dessins, dont on admire les lignes synthétiques et les couleurs franches, ses meubles à la fois si dépouillés et précieux, qui s’adjugent à des sommes folles, une chaise en tube ultra célèbre, et son oeuvre architecturale, récemment redécouverte : si beaucoup de ses réalisations ont disparu, la plus importante, la villa Cavrois a récemment été sauvée de la ruine. Menacée par un projet immobilier, pillée par les squatters, en état de ruine avancée, elle a été rachetée au début des années 2000 par l’État, puis restaurée par le Centre des Monuments Historiques. Elle est ouverte depuis moins d’un an aux visiteurs : quel plus bel hommage que cette renaissance pour fêter son entrée dans le domaine public ?

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Article Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rober...


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