Calendrier de l'avent du domaine public - 2014/2015

Qui s’élèvera dans le domaine public en 2019 ?
Chaque jour de décembre, découvrons le nom d’un auteur dont les œuvres entreront dans le domaine public le 1er janvier 2019.

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Alice Guy-Blaché

  • jeudi 20 décembre 2018
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  • Dans le DP en

Alice Guy-Blaché, 1ère réalisatrice de films au monde

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Alice Guy-Blaché , 1913 (Public Domain)

Et si le cinéma avait été inventé par une femme ? Ou plutôt, si ce n’était pas Léon Gaumont mais bien sa secrétaire qui avait réalisé l’essentiel des courts-métrages de fiction de ce jeune studio, inspirant toute une génération de réalisateurs et suscitant des vocations chez des acteurs tels que Lois Weber et Buster Keaton ? Pourtant, le nom d’Alice Guy-Blaché est largement inconnu au bataillon des figures marquantes de l’histoire du cinéma. Avec l’entrée de ses (nombreuses) productions dans le domaine public, 2019 pourrait rendre sa place à la première réalisatrice au monde.

La secrétaire et La fée aux choux

À la fin du XIXème siècle, Léon Gaumont et les frères Lumières sont en grande compétition : chacun veut être le premier à réussir à projeter des images animées. Les lyonnais gagnent la partie en filmant La sortie des usines Lumières. Ils invitent sans tarder leur concurrent à la première séance de projection le 22 mars 1895. Léon Gaumont est accompagné de sa jeune secrétaire de 23 ans, Alice Guy. La plupart des métrages sont des vues documentaires, les inventeurs étant davantage intéressés par le fonctionnement de leurs machines. Mais lorsqu’est projeté le gag de L’arroseur arrosé, Alice Guy a une idée : « Fille d’un éditeur, j’avais beaucoup lu, pas mal retenu... [Je] pensais qu’on pouvait faire mieux. M’armant de courage, je proposai timidement à Gaumont d’écrire une ou deux saynètes et de les faire jouer par des amis », écrit-elle dans son Autobiographie d’une pionnière du cinéma (1873-1968). C’est ainsi qu’avec le matériel du studio elle met en scène La fée aux choux : une minute montrant une nymphette triomphante sortir des nouveaux nés d’un parterre de choux en bois peint. Le succès prévisible de ce qui est alors la toute première fiction narrative incite Léon Gaumont à lui confier le département de la réalisation. De 1897 à 1907, c’est elle qui assure l’essentiel des productions non-documentaires des studios Gaumont. D’une grande inventivité, elle expérimente les genres (comédie, fantastique, poursuite) et les techniques (ralenti, accéléré, surimpressions, fondus) jusqu’à la projection de scènes et d’un dispositif sonore synchronisé inventé par Léon Gaumont. La durée des films s’allonge avec les années, passant de bandes de 20 mètres en 1902 à son entreprise la plus ambitieuse en 1906, La naissance, la vie et la mort du Christ, une fresque historique en 25 tableaux qui est d’ailleurs le tout premier péplum. En 1905, une équipe la filme dirigeant une scène et inaugure ainsi le making-off.

Vidéo 1 :
La Fée aux Choux, 1896 :
https://www.youtube.com/watch?v=MTd7r0VkgnQ&feature=youtu.be

Vidéo 2 :
La naissance, la vie et la mort du Christ, 1906 :
https://www.youtube.com/watch?v=1yfvMGlC5HY&feature=youtu.be

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Alice Guy, 1906

Avant-gardiste et dérangeante

Le courage de la jeune réalisatrice est d’autant plus remarquable qu’elle évolue dans un milieu résolument masculin. Les films de fiction sont d’ailleurs très peu considérés, étiquetés comme un sous-genre par rapport aux documentaires. Pour elle, la caméra est davantage un moyen d’exprimer sa créativité, son humour mais aussi sa critique sociale. En 1906, elle réalise Résultats du féminisme dans lequel les femmes occupent un rôle social dominant et où les hommes sont cantonnés aux activités d’intérieur, à l’éducation des enfants et sont interdits de certains bars quand ils ne sont pas soumis aux pulsions sexuelles des femmes.En 1907, Léon Gaumont l’envoie avec son mari Herbert Blaché aux États-Unis. Il veut qu’elle commercialise les nouvelles technologies de la marque. Mais il ne lui faudra pas plus d’un an pour reprendre sa caméra. Elle s’adapte aux goûts du public très friand de ces nouvelles distractions et réalise des western, des films policiers et d’action. Elle prend des risques et tourne avec des acteurs afro-américains, des cascadeurs et des animaux sauvages. En 1910, elle crée son propre studio dans le New Jersey, la Solax, et entre en concurrence avec David W. Griffith. Forte de son expérience, elle forme elle-même ses techniciens au cadrage et à la lumière. Elle dirige alors les vedettes du cinéma muet de l’époque (Olga Petrova, Bessie Love, Blanche Cornwall, Fraunie Fraunholz) et s’inspire pour ses scénarios de romanciers français tels que Émile Zola ou Eugène Sue. Avant-gardiste, elle veut changer le jeu de ses acteurs et leur répète d’être plus « naturels ».Elle doit aussi se défendre contre les rumeurs véhiculées et critique en retour les institutions du cinéma comme la Cinémathèque française dont l’un de ses fondateurs Henri Langlois ou encore Léon Gaumont.

Vidéo 3 :
Les résultats du féminisme, 1906 :
https://www.youtube.com/watch?v=_MO-LgdE7hE&feature=youtu.be

Vidéo 4 :
Burstup Holmes Murder Case, 1913 :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Burstup_Holmes_Murder_Case_(1913)_-_ALICE_GUY_BLACHE.webm

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Alice Guy-Blaché et Herbert Blaché, 1916

Effacée de l’Histoire

Alors qu’elle est au premier plan de la production cinématographique, une série d’événements ont raison de sa carrière américaine. Aux soucis personnels (infidélités de son mari, divorce, maladie) s’ajoutent la restructuration du secteur autour de puissants trusts à Hollywood et non plus à New York. La Solax est saisie par le fisc en 1920 et doit fermer. Alice Guy tente de louer ses talents à Hollywood mais finit par jeter les armes et rentre en France. Mais Léon Gaumont ne retravaillera pas avec elle et ne fera jamais publiquement référence à son travail. Ses quelques mille films sont oubliés et finissent par se perdre ou être détruits quand ils ne sont pas crédités à d’autres réalisateurs. Alice Guy gagne sa vie en écrivant des contes pour enfants et des traductions. Elle passe en Suisse lors de la Seconde guerre mondiale et y écrit ses mémoires. Elles ne seront publiées que huit ans après sa mort par l’association féministe Musidora. À côté d’elle, les frères Lumières, Georges Méliès ou son scénariste Louis Feuillade connaissent une postérité bien plus grande, alors même que leur carrière a été plus brève.
Mais une réalisatrice américaine, Pamela Green, s’est employée à lui rendre sa place de pionnière. Après huit ans d’enquête, elle retrouve une grande partie de ses films et signe un documentaire sur sa vie intitulé Be natural (« sois naturel »), le mot d’ordre de ses films.

Et vous trouverez une bibliothèque d’affiches et de photographies sur ce blog :
http://book-alice-guy.blogspot.com/
ou celui-ci :
http://solax-stars-stock.blogspot.com/2018/
... apparemment compilées par sa descendance !

Références


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