Calendrier de l'avent du domaine public - 2014/2015

Qui s’élèvera dans le domaine public en 2019 ?
Chaque jour de décembre, découvrons le nom d’un auteur dont les œuvres entreront dans le domaine public le 1er janvier 2019.

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Edvard Munch

  • lundi 1er décembre 2014
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  • Dans le DP en 2015


Edvard Munch reste indissociable de son œuvre la plus célèbre, Le Cri, qui en raison de sa très grande expressivité fut perçue, à une époque fascinée par l’exploration des tréfonds de la conscience, comme la personnification de la souffrance et de la douleur existentielles [1].

La figure disloquée, plus crâne que visage, l’espace mouvant en arrière-plan, le ciel vermillon, font baigner la toile toute entière dans une atmosphère crépusculaire et converger le regard vers la béance centrale, cette bouche sombre et tordue, muette et hurlante tout à la fois. Le 22 janvier 1892, le peintre écrivit dans son journal :

Je me promenais sur un sentier avec deux amis — le soleil se couchait — tout d’un coup le ciel devint rouge sang je m’arrêtai, fatigué, et m’appuyai sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville — mes amis continuèrent, et j’y restai, tremblant d’anxiété — je sentais un cri infini qui se passait à travers l’univers et qui déchirait la nature.

En proie très tôt à la maladie et à la mort, d’abord celle de sa mère, puis plus tard, celle de sa sœur, Munch témoigne d’un attrait certain pour le morbide. Pré-expressionniste, explorant les thématiques propres aux artistes Fin-de-siècle, conjuguant symbolisme et érotisme, dépeignant à la fois une nature inquiète et tourmentée, son œuvre se caractérise également par un intérêt constant pour le progrès technique, notamment à travers la pratique de la photographie et du cinéma.

Expressionnisme et modernité

Si le terme « expressionnisme » apparaît en 1911, dans le cadre du salon de la Sécession berlinoise, les peintres Edvard Munch et Vincent van Gogh font figure de précurseurs. Les artistes expressionnistes, ceux du groupe Die Brücke (Le Pont) à Dresde et Der Blaue Reiter (Le Cavalier Bleu) à Munich, manifestent le désir de transcrire dans leurs œuvres leurs sentiments intimes, leur agitation psychologique. Ces deux groupes se sont directement revendiqués de l’héritage de Munch.

L’expressionnisme a aussi partie liée avec l’émergence de la modernité, à la fois dans son rapport à la photographie mais aussi de par l’influence notable de la psychanalyse naissante. Ainsi, l’apparition de la technique photographique modifie le rapport au réel et bouleverse les pratiques artistiques. La subjectivité devient le maître-mot et l’expression d’un sentiment, d’une émotion ou d’une angoisse prennent le pas sur la description naturaliste et l’exigence de la mimésis.

Succès et crises

Après une formation académique à l’École royale de dessin de Norvège, Munch suivit l’enseignement de Christian Krohg, l’un des plus grands peintres naturalistes scandinaves. L’obtention d’une bourse d’État permit au jeune peintre de voyager beaucoup.

Alliant d’abord l’influence impressionniste et post-impressionniste, Munch connut ses premiers succès en 1892. La violence expressive du Cri (1893) permit au peintre d’acquérir une certaine notoriété et ses peintures angoissées furent exposées à Berlin puis, en 1896, à Paris. Malgré ce succès croissant, au tournant du siècle, Munch fut en proie à de violentes angoisses.

En 1906, après la mort du dramaturge Henrik Ibsen, l’artiste se vit confier la réalisation des décors de la pièce Les Revenants, mise en scène par Max Reinhardt à Berlin. L’alcool accentuant son mal-être psychique, et étant profondément marqué par son histoire d’amour au dénouement tragique qui s’est soldée, en 1902, par un coup de revolver et une main gauche blessée, Munch se rendit, durant l’année 1908, à Copenhague pour soigner ses troubles nerveux.

Un artiste à l’affût de son temps

En raison des incidents qui émaillèrent sa vie, mais aussi a fortiori de par un œuvre aux accents symbolistes placé sous le signe de Saturne et marqué par la mort (Mélancolie, 1891 ; La mort et la femme, 1894 ; La mort dans la chambre du malade, 1895 ; Le Vampire, 1917), une mythologie s’est forgée autour du peintre, faisant de Munch une figure archétypale de l’artiste solitaire et reclus. L’artiste a pourtant toujours été à l’affût de son temps, cultivant un goût très fort pour les développements de l’optique, s’intéressant à la photographie et au cinéma.

La pratique de la photographie, principalement centrée sur l’autoportrait (Autoportrait « à la Marat », 1908 - 1909, Munch-museet, Oslo, Norvège) lui permit d’élargir son champ de recherche picturales et de confronter ce médium à la pratique de la peinture. L’aquarelle La Rétine de l’artiste, illusion d’optique créée par la maladie oculaire (Munch-museet, Oslo, Norvège), témoigne des recherches entreprises par Munch à l’issue de l’hémorragie survenue en 1930 qui le priva partiellement de la pleine maîtrise de la vision.

De même, l’intérêt pour la radiographie, loin de contredire la fascination de Munch pour l’occultisme, se traduit graphiquement dans son œuvre. Les halos qui ceignent certaines de ses figures (par exemple Le Cri), peuvent aussi être interprétés à l’aune de l’intérêt de Munch pour les effets d’optique, et plus tard pour les rayons X (découverts en 1895 par le physicien allemand Wilhelm Röntgen). Cet intérêt pour la technique rend son œuvre encore complexe et fait de Munch un explorateur à la lisière entre le visible et l’invisible.

Portée et réception de l’œuvre

L’entrée de Munch dans le domaine public, semble ainsi être le prolongement logique d’une œuvre devenue, depuis longtemps déjà, icône populaire.
À l’instar de la Joconde de Léonard de Vinci ou des Tournesols de Vincent van Gogh, le grand public associe Edvard Munch à son Cri.
Le Cri est ainsi devenu selon les termes de Arthur Lubow « une icône de l’art moderne » [2]. Des sérigraphies d’Andy Warhol à la toile de l’islandais Erró, des masques du film d’horreur de Wes Craven, Scream, la face sans visage de Munch a été réutilisée aussi bien par les milieux artistiques que par la culture populaire. Parfois galvaudé à l’extrême par les mass media, le tableau de Munch a été ravalé au rang d’« image », autrement dit d’« icône », jusqu’à, souvent, perdre sa signification première.

Par ailleurs, Munch a lui même posé en filigrane la question de la reproductibilité des images. Son dialogue précoce avec la photographie et le cinéma, interroge le statut de la peinture face à ces formes de représentation modernes. Loin d’annoncer, à la manière d’un Walter Benjamin, la perte de l’ « aura » de la peinture, Munch questionne le multiple, interroge la reproductibilité, notamment à travers la pratique de la lithographie. Certains motifs, comme par exemple celui du Cri, furent repris, de manière presque obsessionnelle, comme si Munch voulait « revivre une première sensation, imprimée sur la rétine de manière indélébile » [3].


Article Wikipédia : Edvard Munch


Le Cri fut victime de deux vols, chacun à dix ans d’intervalle. Dans les deux cas, les toiles furent récupérées. Le premier vol fut celui, en 1994, de la version conservée à la Galerie nationale d’Oslo ; le second, eut lieu en 2004 au Musée Munch.

Une version pastel du Cri fut vendue chez Sotheby’s à New York, le 2 mai 2012. Œuvre de tous les records, la toile atteignit la somme de 119 922 500 dollars, ce qui fit d’elle l’œuvre d’art la plus chère jamais vendue.


[1Il existe à ce jour quatre versions du Cri, toutes peintes entre 1893 et 1917. Deux sont conservées au Musée Munch d’Oslo, la troisième à la Galerie Nationale d’Oslo, la troisième appartient à un collectionneur privé et fut un temps exposée au Museum of Modern Art de New York.

[2Arthur Lubow, Edvard Munch : Beyond The Scream, Smithsonian Magazine, March 2006

[3Prospectus de l’exposition Edvard Munch, l’œil moderne, qui s’est tenue au Centre Pompidou à Paris entre le 21 Septembre 2011 et le 9 janvier 2012. Se référer au catalogue de l’exposition publié sous la direction de A. Lampe et C. Chéroux, Edvard Munch, l’œil moderne, 2011, Paris, France, Centre Georges Pompidou. Voir aussi les ressources en ligne.


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