Calendrier de l'avent du domaine public - 2014/2015

Qui s’élèvera dans le domaine public en 2019 ?
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Mathilde de Morny

  • samedi 6 décembre 2014
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  • Dans le DP en 2015

Une aristocrate du Tout Paris de la Belle Epoque

Mathilde de Morny (1863-1944), dite « Missy », est de par son ascendance : fille du Duc de Morny et de la Princesse Troubetzkoï, eux-mêmes issus de familles royales et de très haut rang, et de par son titre de marquise, qu’elle gardera, après divorce, de son mariage avec le marquis de Belbeuf, une figure évidente du Tout Paris.

C’est le Tout Paris de la Belle Epoque, et son penchant pour les femmes peut s’afficher sans ombrage dans les cercles lesbiens à la mode, comme celui de Natalie Barney. Elle y rencontre Liane de Pougy, Renée Vivien, d’autres, qui seront ses amantes . L’immense fortune dont elle a héritée, et dont elle n’est pas avare lui facilite la vie et les rencontres. Elle entretient et paie même les charmes de certaines d’entr’elles.

Une Avant-Gardiste Transgenre

La singularité de Mathilde, qui se fait appeler « Max », « Oncle Max », « Monsieur le Marquis », c’est son désir profond d’être un homme et de l’assumer pleinement, comme allant de soi. Hors le transgenre n’est pas du tout accepté. C’est même encore, à cette époque, pour les femmes, un délit de s’habiller en homme.

Comme le dit très bien Samia Bordji :

La Belle Époque appartient aux belles hétaïres, aux demi-mondaines majestueuses et aux grandes amazones : Liane de Pougy, Jeanne de Bellune, Hélène de Zuylen, Natalie Barney, Renée Vivien… qui toutes affichent ouvertement leur préférence. Mais jamais aucune de ces dames ne portera le travesti. C’est là une particularité que Missy partage avec les rares femmes qui osent braver l’interdiction qui leur est faite de porter le costume masculin. Méprisant toutes les conventions, Missy, affirme sa virilité… Incapable de situer ce personnage inclassable, l’époque s’en tient à la condamnation. Missy, sorte d’énigme mondaine et sociale de la Belle Époque, ouvre douloureusement la voie à la vaste question du genre et de l’identité sexuelle.

Mathilde-Max aime les automobiles, la mécanique, les déguisements, masculins bien entendu. Elle fait partie de nombreux clubs du Tout Paris cultivé et festif. C’est au Cercle des Arts et de Mode qu’elle rencontre Colette en 1905. Leurs vies, leurs tempéraments s’opposent. Rastignac-Colette n’aspire qu’à prendre sa revanche de l’infortune familiale de son adolescence. Elle aime s’exhiber. Missy à cette époque préférerait une vie plus régulière, de bien-être social et sentimental, à Paris et l’été à la mer… L’une a été choyée, aimée par Sido sa mère, l’autre haïe par la sienne, et a vécu dans un désert affectif. L’ambiguïté de Missy séduit Colette, elle-même par contre, malgré ses dehors de féminité exacerbée, se plaint qu’on la trouve trop virile. Enfin Colette a du talent, la pantomime ridicule écrite en partie par Missy-« Yssim », qu’elles jouent ensemble, en 1907, au Moulin Rouge, fit grand scandale mais n’est pas passée à la postérité. Elle s’aimeront pourtant, et s’apprécieront. C’est un vrai couple, qui s’affiche. Mathilde sera l’homme viril, la mère remplaçante de Sido, l’amante, et le soutien financier. Elle achètera pour Colette le manoir de Rozven en Bretagne qu’elle lui laissera lors de leur rupture en 1911.

C’est sa relation avec Colette qui fera d’elle une « célébrité littéraire ». De 1911 à sa mort on ne connaît presque rien de la vie de Max-Mathilde. On peut constater sur les portraits d’elle qu’au fil des années la pesanteur marque son corps qui se confond avec son complet veston, son regard se fait de plus en plus mélancolique, jusqu’à une pathétique tristesse des dernières années. Une conséquence des difficultés à se mouler dans ce rôle de sexe masculin et de se faire accepter ? une difficulté intrinsèque à vivre, avec un déficit d’amour ? Colette écrira dans le pur et l’impur de « la chevalière », qui est le portrait de Missy : « jovial c’est un monstre ».

Même sa présence auprès de Colette de 1905 à 1911, sera passée sous silence dans les biographies de Colette. Sa réhabilitation au rôle qui fut le sien ne date que des années 90. Mathilde de Morny est morte en 1944, se suicidant par le gaz,à 86 ans, renfermée sur elle-même, ruinée et très seule. Sa propre célébrité : on peut dire "avant garde transgenre", « scandaleusement libre » sans vouloir le scandale. Figure aussi d’une époque exceptionnelle.

On aimerait lire les « Lettres de Missy à Colette »

Quelques lettres d’elle ont été retrouvées dans l’importante correspondance de Colette à Missy, publiées en 2009 [1]. Les lettres de Colette témoignent de la présence aimante et structurante de Missy auprès d’elle durant leur relation. Les archives de Missy ont été perdues apparemment. Trois lettres de Missy sont publiées dans cet ouvrage de correspondance. On aimerait pourtant lire quelques lettres de Missy à Colette pour avoir une meilleure connaissance de cette relation et de la personne que fut Mathilde de Morny.

Liens connexes


Article Wikipédia : Mathilde de Morny


Exceptionnellement les illustrations, inédites, ne sont pas dans le domaine public

  • Crédit photo : Collection Centre d’études Colette.
  • Crédits lettre : Collection privée. Elle date de 1932, moment où Colette tenait un institut de beauté au 6, rue de Miromesnil.

[1Colette. Lettres à Missy, texte établi et présenté par Samia Bordji et Fréderic Maget. Flammarion, 2009.


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