Calendrier de l'avent du domaine public - 2014/2015

Qui s’élèvera dans le domaine public en 2019 ?
Chaque jour de décembre, découvrons le nom d’un auteur dont les œuvres entreront dans le domaine public le 1er janvier 2019.

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René Daumal

  • mardi 30 décembre 2014
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  • Dans le DP en 2015

René Daumal (1908-1944) est une personnalité extraordinaire et attachante.

Comme Rimbaud, il est Ardennais. Comme Rimbaud, il est passionné d’orientalisme, mystique, il brûle la chandelle de sa vie par les deux bouts, consumé par la poésie, l’usage de substances hallucinogènes et la tuberculose. Sa mise en danger est de tous les instants : roulette russe, comas volontaires, expériences métaphysiques… et même une expérience de mort imminente avec une substance hautement toxique.

À son arrivée à Reims, au collège, il écrit déjà des poèmes et entre dans la société secrète des « Phrères Simplistes » : « Nous sommes des enfants, et comme les petits enfants, simples et ignorants, nous possédons la vraie connaissance ». Le petit groupe expérimente notamment le « dérèglement des sens » prôné par Rimbaud.

Il part ensuite à Paris au Lycée Henri IV, où il est élève du philosophe Alain.

Il se rapproche d’abord des Surréalistes, tant les expérimentations des « Phrères Simplistes » trouvent un écho dans leur approche de la création. Mais il finit par s’en éloigner, et se brouille avec Breton à qui il adresse une lettre ouverte :

Pour une fois, vous avez devant vous des hommes qui, se tenant à l’écart de vous, vous critiquant même souvent avec sévérité, ne vont pas pour cela vous insulter à tort et à travers [...] Prenez garde, André Breton, de figurer plus tard dans les manuels d’histoire littéraire, alors que si nous briguions quelque honneur, ce serait celui d’être inscrits pour la postérité dans l’histoire des cataclysmes.

Contrairement aux Surréalistes, qui cherchent le geste littéraire, il met toute sa vie dans son œuvre et inversement. Ses expériences lui servent dans la poésie, ainsi la revue Le Grand Jeu (1928-1930) fondée avec Roger-Gilbert Lecomte, Roger Vaillant et Joseph Sima.

La Grande Beuverie est un recueil écrit à l’occasion d’une tournée aux États-Unis avec un danseur indien. En voici un extrait :

Frères, vous pullulez, vous vous entroupez, vous vous encroûtez.

Bientôt les caves seront à sec et que deviendrons-nous ? Les uns crèveront lamentablement, les autres se mettront à boire d’infâmes potions chimiques. On verra des hommes s’entre-tuer pour une goutte de teinture d’iode. On verra des femmes se prostituer pour une bouteille d’eau de Javel. On verra des mères distiller leurs enfants pour en extraire des liqueurs innommables.

Cela durera sept années. Pendant les sept années suivantes, on boira du sang. D’abord le sang des cadavres, pendant un an. Puis le sang des malades, pendant deux ans. Puis chacun boira son propre sang, pendant quatre ans. Pendant les sept années suivantes, on ne boira que des larmes et les enfants inventeront des machines à faire pleurer leurs parents pour se désaltérer.

Alors il n’y aura plus rien à boire et chacun criera à son dieu : « rends-moi mes vignes ! » et chaque dieu répondra : « rends-moi mon soleil ! », mais il n’y aura plus de soleils, ni de vignes, et plus moyen de s’entendre.

Son grand œuvre, : Le Contre-ciel (1936).
Il y cherche l’anéantissement de lui-même, tant le poète que la personne, au profit du mot, de quelque chose à dire, à annoncer, pour réveiller le monde, comme s’il voulait disparaître afin de laisser advenir le Verbe, la Vie (« Ils mirent à mort le Moi pour libérer le Mot. », préface au Grand Jeu).

Si quelque jour je fais un poème, on comprendra ma répugnance d’aujourd’hui à appeler de ce nom les pièces lyriques qui suivent...C’est plus près du cri que du chant.

Son œuvre est hantée par le combat : la mort contre la vie, la nuit contre le jour, l’obscurité contre la lumière, le noir contre blanc. Plus que la peur, on y rencontre la terreur, et l’espoir en semble absent, sinon sous forme d’une lumière mystique au-delà de la mort.

La désillusion

Blanc et noir et blanc et noir,
attention, je vais vous apprendre à mourir,
fermez les yeux, serrez les dents,
clac ! vous voyez, ce n’est pas difficile,
il n’y a là rien d’étonnant.

Je vous parle sans passion,
noir et blanc et noir et blanc,
clac ! vous voyez qu’on s’y fait vite,
je vous parle sans amour,
et pourtant vous savez bien...
- il faut être évident jusqu’à l’absurde -

Blanc et noir et blanc et noir et noir et blanc,
si nos âmes échangeaient leurs corps,
il n’y aurait rien de changé,
alors ne parlez plus de corps ni d’âmes.

Blanc, noir, clac ! c’est la seule chose
qu’ensemble nous pouvons comprendre,
(mais n’est-ce pas qu’il n’y a là rien de tragique ?)

Je vous parle sans passion
blanc, noir, blanc, noir, clac,
et c’est mon éternel cri de mourant,
ce cri blanc, ce trou noir...
Oh ! Vous n’entendez pas,
vous n’existez pas,
je suis seul à mourir.

Les dernières années de sa vie sont marquées par la pauvreté et la misère. Il meurt de tuberculose à 36 ans.


Article Wikipédia : René Daumal


Domaine public

L’œuvre de René Daumal entre dans le domaine public en France le 1er janvier 2015, 70 ans après la mort de son auteur.


C'est permis !

L’œuvre de René Daumal, un peu oubliée aujourd’hui, demeure néanmoins vivante auprès d’un petit cercle d’« amis ». À l’occasion de son entrée dans le domaine public, on peut scanner ses œuvres et les mettre sur wikilivres. On peut aussi proposer une nouvelle édition du Contre-ciel et du reste de son œuvre poétique qui se prête bien à l’illustration dans une veine onirique.


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