Calendrier de l'avent du domaine public - 2014/2015

Qui s’élèvera dans le domaine public en 2019 ?
Chaque jour de décembre, découvrons le nom d’un auteur dont les œuvres entreront dans le domaine public le 1er janvier 2019.

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Alexis Carrel

  • jeudi 11 décembre 2014
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  • Dans le DP en 2015

Alexis Carrel (1873-1944), médecin.

Chirurgien doué et précurseur

Alexis Carrel est issu d’une famille bourgeoise catholique lyonnaise. Il fait ses études de médecine, rate par deux fois le concours du Chirurgicat. Il s’expatrie au Canada, ensuite à Chicago et finalement à New York où il fera toute sa carrière jusqu’en 1939 à la Fondation Rockefeller, dotée d’un budget énorme, de gros moyens de recherche, grâce à Simon Flexner, Directeur du Laboratoire.

Il y réalise ses travaux expérimentaux sur la chirurgie vasculaire, la greffe d’organe (précurseur de la transplantation cardiaque) et la culture des tissus vivants. Le prix Nobel de médecine et physiologie lui est décerné en 1912 pour ces découvertes. En France, au moment de la première guerre mondiale, il met au point et pratique avec le chimiste anglais Dakin, la nouvelle méthode Carrel-Dakin de traitement des grands brûlés. Il reçoit la Légion d’Honneur.

Il fréquente les milieux catholiques de droite. Il va à Lourdes chaque année et atteste de la réalité d’une guérison « miracle ». C’est dans ces milieux qu’il cherche dès 1927 à créer son Centre de Recherche sur l’Homme. Pétain lui donne de gros moyens financiers pour le réaliser et fait de Carrel le « régent » de la Fondation Française pour l’Étude des Problèmes Humains en 1941. Carrel adhère par conviction au Parti Populaire Français, le parti pro-nazi de Jacques Doriot.

L’homme cet inconnu œuvre de Carrel, l’eugéniste volontaire.


Alexis Carrel n’est hélas pas le seul scientifique « eugéniste » de son époque. La Belle Époque, c’est aussi celle d’avancées scientifiques majeures, comme la propagation de la théorie de l’évolution naturelle de Darwin. Dans ce moment de transition entre ancien et nouveau monde, le Darwinisme Social, ou eugénisme volontaire, fonde scientifiquement la nature héréditaire de la classe des pauvres et de la classe des riches. Ce courant scientifico-politique est animé par des scientifiques et des industriels convaincus et militants : l’anglais Ronald Fisher, le français Charles Richet, prix Nobel de physiologie et de médecine en 1913, et membre de l’Institut, les américains Lindbergh, Ford, Bell, antisémites obsédés par l’immigration des pauvres du sud et de l’est de l’Europe.

Alexis Carrel grand scientifique reconnu, est le champion de ce courant qu’il théorise et dont il envisage les applications dans son livre qui sort aux États Unis et en France en 1933 : l’Homme cet Inconnu. Il est traduit en dix-huit langues, a des dizaines de milliers de lecteurs : son succès est immense. Prosélyte, Carrel surfe sur le tout New York en diffusant ses thèses eugénistes.

Il propose la « révolution destructrice », fondée sur la peur de déclin de la civilisation et décadence de la « race » : « L’eugénisme est devenu indispensable au salut de la race blanche ».
Son programme :

  • suppression des institutions démocratiques,
  • suppression des avancées médicales pour les femmes en couches, les malades mentaux, les faibles et les pauvres,
  • stérilisation volontaire,
  • méthode de « dressage » des enfants,
  • suppression des éléments du confort moderne pour les pauvres, afin de rétablir le caractère viril et conquérant dont on aurait besoin pour « la conquête par le civilisé des matières premières et des marchés ». Il remarque que les souris affamées sont plus petites, mais intelligences et surtout les plus agressives,
  • colonialisme actif,
  • politique nataliste brutale pour assurer la suprématie de l’occident et de la « race » blanche. À ces idées de l’époque, Alexis Carrel veut assurer la pérennité scientifique et la mise en pratique.

De la Fondation Française pour l’Étude des Problèmes Humains, à l’INED

Ces thèses et ce programme « scientifique » sont repris par la Fondation, pour poursuivre les objectifs du gouvernement de Vichy : « l’étude et la diffusion de tous les moyens propres à améliorer en quantité et en qualité la population française ». La Fondation créée en 1941 est dissoute en 1945 à la Libération. Quatre cahiers compilant les traces des recherches effectuées sont édités.

Le Cahier n°1 reprend toutes les idées d’Alexis Carrel. On y recherche « des souches pures », on établit des milliers de fiches d’hérédité humaine normale et pathologique de populations sondées. On fait des recherches sur les calories nécessaires aux catégories de population…

La moitié des chercheurs de la Fondation est appelée par Alfred Sauvy à travailler à l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) créé en 1945.

Par la suite, l’INED a longtemps tenu un discours systématique et obsédant portant sur le « déclin de la population », le « vieillissement », la « baisse de natalité », en s’appuyant sur des méthodologies de recherche en statistiques démographiques critiquables. C’est ce qu’a démontré le chercheur de l’INED Hervé Le Bras dans son livre Marianne et les Lapins.

Il remarque aussi dans les articles de l’Institut (voir dans cette vidéo), un glissement de la notion de « pauvres » à « pays pauvres », épouvantail dans des années qui ne sont pas si lointaines. Les polémiques autour du livre, et la montée au créneau des défenseurs de Carrel dans les années 1993, montrent que les idées d’Alexis Carrel ont toujours des adeptes. Mais aujourd’hui des débaptisations de son nom ont aussi lieu, gagnées de haute lutte. C’est le cas par exemple à Lyon, pour l’Université Lyon 1 et pour l’Hôpital Laennec anciennement appelé Alexis Carrel. Mais il faut mener une lutte difficile dans un contexte délicat.

Alexis Carrel est mort à 71 ans, en 1944, d’une crise cardiaque, à Paris.

  • Polémique sur la biographie de Carrel : discussion wikipedia,
  • Robert Soupault, Alexis Carrel (biographie rééditée), éditions Déterna, 2012,
  • Noëlle Bisseret-Moreau, « Alexis Carrel et la " Fondation française pour l’Étude des Problèmes Humains (1941-1945) », in Sexe et Race : aspects du Darwinisme Social du XIXème au XXème siècle, colloque au CERG, Université Paris 7 en 1988, dir. Rita Thalmann.

Article Wikipédia : Alexis Carrel


C'est permis !

L’article (papier) sus-cité de Noëlle Bisseret-Moreau (Maître de recherche au CNRS) a servi à l’élaboration de cette fiche. On le trouve à la Bibliothèque Marguerite Durand à Paris et au Centre de Documentation du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD) à Lyon en accès tous publics. Dommage que ces textes fiables et documentés ne soient pas numérisés...


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