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Féministe, suffragiste, journaliste, ministre du Front populaire, activiste des droits des femmes au travail et de la protection des enfants, Cécile Brunschvicg est une figure majeure de la première génération du féminisme, cette génération de l’entre-deux-guerres qui trouve ses racines politiques dans l’histoire française et européenne de la fin du XIXe siècle et du début du XXe s. Son activisme politique et social s’est exercé au sein d’associations - à l’échelle nationale et internationale -, de journaux, et de parti, jusqu’au gouvernement de Léon Blum : les différentes dimensions de son féminisme, à la fois politique et social, se sont déployées tout au long de sa vie publique et sont difficilement résumables en une notice.
Née Cécile Kahn en 1877 à Enghien-les-Bains dans une famille juive bourgeoise et républicaine, elle poursuivra sa scolarité jusqu’au brevet supérieur, obtenu en cachette à 17 ans. Elle épouse Léon Brunschvicg, philosophe, futur professeur à la Sorbonne, républicain et membre de la Ligue des droits de l’Homme, en 1899. Ils auront quatre enfants. C’est à ses côtés, parce qu’il considère que tout découle du suffrage, que Cécile Brunschvicg aurait commencer à acquérir ses convictions suffragistes. De même, c’est en étant témoin de l’exploitation du travail des femmes au sein des premières associations auxquelles elle a adhéré, qu’elle optera pour un engagement de terrain et politique autour de la question de la protection des femmes au travail et de leur éducation.
En 1908, elle adhère au Conseil national des femmes françaises, dont elle présidera la section travail à partir de 1916. Dans la même période, elle participe à la création de l’Union française pour le suffrage des femmes, dont elle devient la présidente à partir de 1924. C’est au sein de ces deux associations qu’elle mènera l’essentiel de son combat féministe, en France comme au sein des congrès féministes internationaux. Représentante d’un féminisme philantropique et réformiste, qui ne remet pas fondamentalement en cause les différenciations genrées des rôles familiaux, et qui parfois indexe ou articule son action à la situation politique nationale et internationale, Cécile Brunschvicg oriente son activisme vers des domaines où les problématiques rencontrées sont indubitablement d’abord féminines.
En 1924, elle obtient l’ouverture du Parti radical aux femmes et décide d’adhérer à ce parti, pourtant anti-suffragiste, précisément pour convertir sa famille politique "naturelle" en usant d’une stratégie d’entrisme. Ce faisant, elle rompt avec la ligne de neutralité politique adoptée par l’Union française pour le suffrage des femmes. Cette stratégie visant à incliner la ligne du parti sur la question du droit de vote des femmes échouera pourtant, malgré ses nombreux efforts. Mais c’est justement son appartenance au Parti radical qui la fera appeler au gouvernement du Front populaire par Léon Blum. Nommée sous-secrétaire d’Etat à l’éducation nationale, au sein du ministère de Jean Zay, elle devient alors l’une des trois premières femmes ministres en France, à une époque où celles ci n’étaient ni électrices, ni éligibles. Lors de son ministère, elle obtient surtout des avancées en termes d’action sociale : elle crée les cantines scolaires, développe la surveillance des risques sanitaires, crée des formations destinées aux instituteurs.trices et éducateurs.trices intervenants auprès des enfants déficients ou en éducation surveillée. Sur le plan féministe, elle parvient notamment à obtenir la suppression de l’obligation de l’autorisation maritale pour l’obtention d’un passeport.
Lorsque la deuxième guerre mondiale éclate, Cécile Brunschvicg participe à l’organisation de la défense passive. Mais l’Occupation et ses mesures anti-juives la contraignent, avec sa famille, à quitter Paris pour le Gers puis Aix-en-Provence. Elle vivra dans la clandestinité et sera obligée de se séparer de son mari. Celui-ci mourra à Aix-les-Bains en 1944. Elle se réfugie alors dans un établissement pour jeunes filles proche de Valence où elle enseignera la littérature et la morale civique, sous un faux nom. A la libération, elle rejoint Paris où elle relance ses activités féministes : elle recrée l’Union française pour le suffrage des femmes et relance le journal La Française, qu’elle dirigeait depuis 1926. Elle voit surtout son combat en faveur du droit de vote des femmes enfin couronné de succès en 1944, et elle participera à l’organisation des élections municipales de 1945, où les femmes voteront pour la première fois. Elle meurt de maladie en octobre 1946.
Les travaux sur la vie et l’œuvre de Cécile Brunschvicg ont longtemps été handicapés par la retenue de ses archives en URSS. En effet, saisies parmi d’autres par les Allemands sous l’occupation, puis récupérées par l’URSS au titre de réparation de guerre, ses archives n’ont été rapatriées en France qu’en 2000. Le Fonds Cécile Brunschvicg est alors déposé au Centre des Archives du Féminisme à Angers. C’est grâce à l’accès à ce fonds que les recherches sur l’activisme de Cécile Brunschvicg ont pu être renouvelées, et ont pu sortir de l’ombre cette féministe quelque peu oubliée.
Parmi les écrits et œuvres de Cécile Brunschvicg , signalons de nombreux articles et communications autour de la question du droit de vote des femmes, publiés en France et ailleurs en Europe, mais aussi des écrits portant sur l’éducation, la protection des enfants et l’éducation sexuelle. Sa bibliographie complète est recensée dans la notice du Maitron qui lui est consacrée par Cécile Formaglio.
Sources et liens à explorer :
Article en français de l’encyclopédie Wikipedia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9cile_Brunschvicg
Le féminisme de Cécile Brunschvicg (1877-1946), Cécile Formaglio, École des chartes, 2006 :
http://theses.enc.sorbonne.fr/2006/formaglio
Notice du Maitron sur Cécile Brunschvicg, par Cécile Formaglio :
http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article172356
Compte -rendu de la thèse de Cécile Formaglio, « Féministe d’abord ». Un engagement militant : Cécile Brunschvicg (1877-1946), thèse d’histoire U. Angers (2011). Extrait du Bulletin Archives du féminisme n° 19, déc. 2011 :
http://www.archivesdufeminisme.fr/ressources-en-ligne/articles-et-comptes-rendus/recensions-et-lectures/these-c-formaglio-feministe-dabord-cecile-brunschvicg-1877-1946/
Pichon Muriel, « Cécile Brunschvicg née Kahn, féministe et ministre du Front populaire. (Enghien-les-Bains, 19 juillet 1877 - Neuilly-sur-Seine, 5 octobre 1946) », Archives Juives, 1/2012 (Vol. 45), p. 131-134. :
https://www.cairn.info/revue-archives-juives-2012-1-page-131.htm
« Cécile Brunschvicg, Militante féministe, première femme ministre (1877-1946) », notice sur Cécile Brunschvicg sur le site 8 mars :
http://8mars.info/cecile-brunschvicg
Exposition virtuelle consacrée à Cécile Brunschvicg sur Musea : http://musea.univ-angers.fr/rubriques/elements/affiche_element.php?ref_element=70