Calendrier de l'avent du domaine public - 2014/2015

Qui s’élèvera dans le domaine public en 2019 ?
Chaque jour de décembre, découvrons le nom d’un auteur dont les œuvres entreront dans le domaine public le 1er janvier 2019.

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Alban Berg

  • mercredi 4 décembre 2013
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  • Dans le DP en 2014

Alban Berg est né à Vienne en 1885… Cette petite indication biographique, présente dans tous les dictionnaires, suffit à déterminer un destin.

La Vienne « fin de siècle » est un lieu paradoxal. Régie par un empereur, roi de Jérusalem, elle s’impose, avec Paris, comme la capitale européenne des avant-garde. Berg se sent à son aise dans cet étrange carrefour où le futurisme de la Métropolis impériale côtoie nombre de survivances archaïques.

Il se destine initialement à une carrière d’écrivain. Son éducation musicale est tardive, mais elle est encadrée par un maître d’exception : Arnold Schönberg. Au début du XXe siècle, celui-ci n’est pas encore le révolutionnaire du dodécaphonisme sériel. Héritier de Brahms, il manie avec habilité un idiome néo-romantique de plus en plus instable. Dès 1907, l’élève rattrape le maître. La première sonate op. 1 pose déjà tous les jalons de son style : une écriture chromatique subtile abolit peu à peu le sentiment de tonalité.

Berg s’impose avec fracas. Le 31 mars 1913, Schönberg dirige ses Altenberg Lieder au Musikverein. Déconcertée par tant d’audace, l’audience prend violemment à parti le compositeur. Ce Skandalconcert est l’équivalent viennois de la création parisienne du « Sacre du printemps » : l’affirmation soudaine d’un perception musicale novatrice.

Berg n’est pas indifférent au lent naufrage de l’empire austro-hongrois. Dès 1914, il entreprend l’écriture d’un opéra expérimental, par sa forme comme par son sujet. Inspiré d’une pièce de Georg Buchner, Wozzeck chante la descente aux enfers d’un soldat, livré aux expériences psychologiques d’un maléfique docteur. L’opéra annonce l’ensorcèlement de l’Europe, progressivement livrée aux forces les plus sombres de la psyché humaine.

Wozzeck est peu joué du vivant de Berg. Il parvient pourtant aux oreilles d’un jeune étudiant en philosophie : Theodor W. Adorno. Profondément ébranlé, Adorno se rend à Vienne pour suivre les cours de Berg. Cet enseignement marque durablement son itinéraire intellectuel.

Dans une situation économique de plus en plus précaire, Berg ne reste pas inactif. Il se consacre à un second opéra, aussi sombre que Wozzeck, Lulu. Le violoniste Louis Krasner lui passe commande d’un concerto. Ce Concerto à la mémoire d’un ange est, encore aujourd’hui, la pièce la plus populaire de Berg.

Faute de moyens, Berg néglige de soigner un furoncle. L’infection s’aggrave : Berg meurt le 24 décembre 1935. Comme le rappelle Adorno, il songeait fréquemment à ses futures nécrologies de son vivant. Il redoutait notamment que les quotidiens viennois ne le confondent avec un quasi-homonyme, l’humoriste Armin Berg. L’attention qu’il portait à sa propre mort était une arme solide contre tous les aléas de la vie :

Berg contrecarrait la négativité du monde par son imagination sans espoir, en l’acceptant avec une bonne dose de pessimisme viennois qu’illustrait bien ces nécrologies imaginaires. (Adorno, Alban Berg, Maître de la transition Intime , « Réminiscence »).

L’œuvre de Berg n’entre dans le domaine public français que le 30 avril 2013. La législation française continue d’appliquer les prorogations de guerre à tous les compositeurs européens. Dans le cas de Berg, cela représente une prolongation de 8 ans et 120 jours.


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